Seven, comme sept femmes, sept drames, sept destins, sept auteurs, sept militantes…
Pièce de théâtre novatrice, Seven est jouée au Maroc les 9 et le 10 octobre. Cette présentation, deuxième du genre dans un pays arabe, s’inscrit dans le cadre d’une tournée mondiale. Elle est présentée au public marocain à l’occasion de la commémoration de deux siècles et demi de coopération entre le Maroc et la Suède, ainsi que la célébration de la Journée nationale de la femme, le 10 octobre. Réalisée par la dramaturge suédoise Hedda Krausz Sjögren, Seven dénonce les injustices faites aux femmes, et titille les hommes pour les inciter à se débarrasser de certaines attitudes rétrogrades.
Dans cet entretien, Hedda Krausz Sjögren, également productrice de Seven, nous en dit davantge.
La Nouvelle Tribune : Pouvez-vous nous donner un bref aperçu de Seven, qui rompt avec le style dramatique classique pour mettre en scène des histoires de femmes, symbolisant des valeurs, des combats, etc.?
Hedda Krausz Sjögren : En effet, c’est un peu novateur dans le sens où c’est une pièce-documentaire. Elle est créée à base de faits réels, issus d’interviews réalisés en 2007 par des militantes des droits humains avec des femmes aux parcours atypiques, mais ce n’est pas en totale rupture avec le genre classique.
Seven met en scène sept femmes, de contrées différentes, qui racontent chacune une histoire qui a changé le cours de leur vie, de leur entourage proche et de leur communauté. Ce sont des histoires vraies, qui ont lieu dans des endroits différents, à des moments différents, mais qui peuvent tout à fait survenir n’importe où dans le monde. A travers les destins de ces femmes, on aborde la question la femme. Ces histoires ne remontent pas à un siècle avant. C’est tout récent, ce sont des situations qui peuvent arriver n’importe où dans le monde. Nous considérons que le théâtre est un excellent moyen d’attirer l’attention sur certains dysfonctionnements dans nos sociétés. C’est aussi pour dire que c’est un problème universel, il ne concerne pas une culture ou un pays en particulier.
A travers ces sept destins, vous évoquez les injustices faites aux femmes, mais aussi leur capacité à dépasser le préjudice subit, à rebondir. Quel est le message qu’on peut y percevoir ?
Comme je disais auparavant, l’idée c’est d’abord d’utiliser le théâtre comme canal de communication, de sensibilisation, différent et complémentaire des canaux classiques. A travers cette pièce, nous avons un double objectif sensibiliser la population, notamment les jeunes générations, sur ces questions, tout en incitant les décideurs à accélérer le rythme des réformes, à mettre en place des législations pour protéger les droits des filles et des femmes. Ainsi, la pièce évoque tour à tour, la question de l’éducation des filles, la violence faite aux femmes, la faible représentativité des femmes dans les sphères de décision, la traite humaine, le trafic… Il est vrai que cela peut-être un peu différent d’un pays à un autre. Mais, globalement c’est partout pareil.
La pièce a été présentée dans plusieurs pays, les réactions sont-elles les mêmes à chaque fois ?
La première présentation de la pièce a eu lieu à l’occasion de la tenue d’un Sommet politique en Suède, ensuite elle a été présentée dans 12 pays. La Serbie, la Turquie, les USA, l’Afghanistan, la Jordanie… et chaque fois l’accueil est très positif, avec des réactions fortes dans les groupes de jeunes. C’est une sorte d’électrochoc pour eux. Et à chaque fois, ce sont de très fortes sensations pour nous parce que les publics sont diffèrent, mais les réalités, les réactions se ressemblent.
Quel est l’intérêt de mettre en scène une pièce inspirée de faits divers, d’une part, et de faire appel, d’autre part, à des personnalités politiques pour monter sur scène ?
C’est un jeu, certes, mais un qui émane du réel. Le mix entre des comédiens professionnels et des personnalités politiques, à travers une sorte d’interaction, est une manière de lancer un cri à toutes les composantes de la société. Qu’ils soient décideurs, simples citoyens, jeunes adultes… tous les hommes sont concernés et doivent s’impliquer pour défendre, protéger et respecter les droits des femmes. Ils ont un rôle à jouer. L’objectif premier de la pièce est de dénoncer les injustices faites aux femmes, que ce soit au foyer, au travail, dans la rue… A nous tous de veiller à ce que les garde-fous soient en permanence en veille pour tirer la sonnette d’alarme à chaque fois que cela s’impose.
Seven évoque les drames vécus par ces femmes, mais elle met également en relief leur courage. Elles ont réussi à rebondir, à aller de l’avant, elles ont osé se montrer, se sont battues pour remonter la pente… Est-ce aussi porteur d’espoir ?
La pièce se veut également être un soutien à toutes les femmes qui seraient exposées à des injustices, pour qu’elles sachent qu’elles ne sont pas isolées, qu’il y a d’autres personnes qui ont vécu la même chose et qui ont pu réussir malgré tout. C’est une manière de pousser d’autres femmes à rompre le silence. Le combat est permanent. Ensemble, on peut s’en sortir. On veut libérer la parole des femmes. Et c’est d’ailleurs ce qu’on vise avec cette présentation au Maroc.
Sur quels critères s’est fait le choix des personnalités au Maroc ?
Ce sont des personnalités qui militent pour les droits humains comme Amina Bouâyach, Secrétaire Général de la FIDH, Driss riss El Yazami, Président du CNDH et du CCME (tous les deux étaient membres de la Commission chargée de la révision de la Constitution). Il y a également des personnalités qui symbolisent l’émancipation et la réussite de la femme marocaine, telles que Nawal El Moutawakil, ancienne Championne olympique, ancienne ministre du sport et de la jeunesse, et vice-présidente de l’IOC en 2013, ou encore Miriem Bensalah Chaqroun, Présidente de la CGEM.
Mais cela ne pouvait se faire sans l’implication et la participation de professionnels du théâtre comme la comédienne émérite Sophia Hadi, la talentueuse Nadia Niazi, actrice de cinéma et de télévision, et enfin Momo, animateur sur plusieurs chaines de radio et télévision et organisateur du spectacle Boulevard.
Un mot de conclusion ?
Mme Amina Bouâyache prendra la parole à la fin de la pièce, pour une interactivité avec la salle. Je pense que ce sera un moment très enrichissant pour tous.
Propos recueillis
par Leila Ouazry
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Pourquoi le Maroc ?
Madame Anna Hammargren, ambassadeur de la Suède au Maroc : La question de la femme est très persinente pour la Suède, un des pays les plus paritaires dans le monde. Ainsi, avons-nous pensé que c’est une excellente initiative pour commémorer deux siècles et demi de coopération entre le Maroc et la Suède, que de célébrer la Journée nationale de la femme, avec une pièce qui évoque la situation des femmes. Le Maroc est en plein débat sur la condition des femmes, de grandes avancées ont été accomplies dans ce sens. Mais, il y a encore des choses à améliorer, il y a encore certaines réticences, certains blocages, … Notre objectif est d’amener les décideurs politiques à s’impliquer davantage dans cette quête d’égalité entre les hommes et les femmes. Il importe de savoir que la croissance économique est tributaire de la condition de la femme. Elle a un rôle à jouer sur le plan politique et économique. C’est pour cela que nous avons invité de haut responsables politiques, des juges, des universitaires, … pour venir voir la pièce. D’où une double présentation en franças et en arabe pour sensibiliser un maximum de gens. Nous avons également invité Mme Bassima Hakkaoui, ministre de la Solidarité, de la Femme, de la Famille et du Développement social, mais elle s’est excusée auprès de nous, parcequ’elle a d’autres impératifs.
N.B :La pièce sera joué les 09 (en arabe) et 10 octobre (en français) à 19:30 à la salle Bahnini du Ministère de la Culture à Rabat. L’entrée est gratuite.
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